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Schibboleth

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Message  Admin Jeu 27 Sep - 14:08

SCHIBBOLETH
la lettre Schin ou le sens alchimique des hébraïsmes maçonniques
par le Vén. Frère Remo Boggio



Dans le « Livret du Compagnon » rédigé à l’époque par notre Frère Fritz Uhlmann, nous trouvons la phrase suivante : « Sch… - qui signifie : l’union fait la force. En hébreu, Sch… signifie épi. » Et plus loin, au même paragraphe : « Le nom et sa signification ne se prêtent guère à l’exégèse. »



L’eau et l’épi

Le terme : « Union fait la force » ne correspond pas au sens littéral du mot ; en revanche celle d’épi est tout à fait recevable. Et Fritz Uhlmann de ne pas mentionner que Schibboleth se traduit aussi par « cours d’eau », « rivière ». Michel de Saint Gall dans son « Dictionnaire des Hébraïsmes dans le Rite Ecossais Ancien et Accepté » précise que Schibboleth a une double signification : « épi de blé » et aussi « courant d’une rivière ». De la même manière, le « Dictionnaire de la Bible » de A.M. Gérard nous donne la traduction suivante : « fleuve ou épi ». On comprend alors facilement pourquoi l’iconographie maçonnique représente un épi de blé au bord d’un cours d’eau.



L’exégèse devient possible au risque de contredire le Livret du Compagnon précité. Tout d’abord on interprétera ici la relation : « cours d’eau » en imaginant l’Élément Eau non dans un sens profane, mais dans une vision initiatique et alchimique, c'est-à-dire comme une entité indéfinie et subtile présente dans l’homme, trait d’union entre le monde matériel, visible et le monde spirituel, non visible. Le terme Eau, dans son sens ésotérique, se retrouve dans le nom de l’outil du grade, le niveau ou « niv-eau » (selon la kabbale phonétique chère à l’alchimiste Fulcanelli). L’eau a aussi été associée au mot sacré Boaz ou Booz en relation aussi avec la colonne de nuées ou d’eau. Elle s’oppose à la colonne Jakin, ou colonne de feu. Deux colonnes accompagnaient aussi les Juifs lors de la sortie d’Egypte.

Avant d’aborder l’analyse du sens de Schibboleth, un constat : ce mot de passe, incontesté et unique au 2ème grade - alors que la confusion règne pour ceux des 1er et 3ème grade - semble le moins bien compris de tous, à tel point que l’on nie souvent toute exégèse possible à son sujet. Son sens peu évident rend-il de prime abord sa compréhension difficile d’accès ? Et l’on se contente de répéter en chœur la leçon du Livret de Compagnon : « Epi fait songer à la moisson et, de là, à l’œuvre du Compagnon qui doit se couronner d’une ample récolte. ». Tout au plus évoque-t-on la lente transmutation du germe de blé en épi, la comparant à celle de l’Initié.

Le terme Schibboleth[1] (cette écriture a été choisie mais d’autres sont possibles en français : Siboleth, Chibboleth etc.) est présent dans le Livre des Juges XII - 6. Aucune analyse de ce mot n’est possible sans une étude préalable du contexte biblique. Relisons le texte :



Jephté et le Jourdain

Jephté, originaire de Galaad (se souvenir des héros de la Table Ronde), est juge en Israël. C’est le fils d’une courtisane et d’un vaillant guerrier appelé Galaad (du même nom que la ville). Les demi-frères de Jephté, nés de la femme légitime de Galaad le chassent en disant : « tu n’auras pas de part à l’héritage de notre père, car tu es le fils d’une femme étrangère » (Juges XI - 2/3)[2]. Jephté s’enfuit dans le pays de Tob et rassemble une bande « de gens de rien » qui font des incursions avec lui, du brigandage en quelque sorte. Les chefs de Galaad ne trouvant pas d’autre général capable s’adressent à lui pour combattre les Ammonites : ils seront battus par Jephté. Quelque temps plus tard Jephté est à nouveau en guerre, cette fois contre les Ephraïmites. Après les avoir battus, il leur coupe la retraite dans le gué du Jourdain: « Puis Galaad s’empara des gués du Jourdain avant que ceux d’Ephraïm y fussent arrivés. Et quand un des fugitifs d’Ephraïm disait : - Laissez-moi passer - les gens de Galaad lui disaient : - Es-tu Ephraïmite ? -. Il répondait : - Non - alors ils lui disaient – Et bien, dis le mot Schibboleth ! - et il disait : «Sibboleth» sans parvenir à bien le prononcer. Alors on le saisissait et on l’égorgeait près des gués du Jourdain. Il tomba en ce temps-là quarante-deux mille hommes d’Ephraïm[3]. » (Bible de Jérusalem Juges XII - 6)


rm_bernheim
¨ RÉALITÉ MAÇONNIQUE
par Alain Bernheim
Numéro hors série de Masonica.

Le fleuve diviseur, la rivière fatale

Schibboleth joue ici le rôle de mot de passe lors du « passage d’un cours d’eau » par les Ephraïmites en retraite et, comme par hasard, ce mot fatal, Schibboleth, signifie en hébreu justement : « cours d’eau ». Nous pourrions presque parler de pléonasme, mais la répétition du terme peut signifier qu’il y a un sens caché à découvrir, lié en particulier à la différence de prononciation. On ne peut maîtriser que ce que l’on est capable d’appréhender avec justesse, de nommer. Il y a un lien direct entre ce mot (ou sa prononciation) et le fait de « passer », de « pouvoir passer » un cours d’eau, en l’occurrence le Jourdain.



Car, dans une perspective initiatique, hermétique ou alchimique, quelle est la signification du passage d’un fleuve ou d’une rivière ? On a quelque peu oublié dans nos temps modernes, où le génie civil fait merveille, le caractère infranchissable et dangereux des cours d’eau : leur tracé épousait et épouse toujours de nombreuses frontières. Le passage d’un cours d’eau est perçu comme une épreuve, en particulier celle de la mort, mais aussi de la Mort initiatique. D’autre part en alchimie la Matière première de toute chose est symbolisée souvent par l’eau, un « cours d’eau », une « eau permanente ». Chez les Grecs de l’Antiquité, la Terre émergée est entourée par un océan primordial, Okéanos, dont un fleuve donne naissance au Ciel et à la Terre. Passer le cours d’eau signifie en alchimie prendre possession de la Matière première, l’ouvrir afin d’en extraire les deux principes spirituels, le Soufre et le Mercure. Ce concept est aussi présent dans une légende chrétienne; c’est l’image du géant St Christophe (le Mercure) portant sur ses épaules le Christ enfant (le Soufre) afin de l’aider à traverser une rivière. Le Mercure est appelé aussi Mercure double : il est à la fois celui qui transporte hors de l’Eau, hors de la rivière et l’Eau elle-même en tant que véhicule de l’Esprit.



Les deux rives d’un fleuve représentent aussi les mondes matériel et spirituel. Ils sont séparés mais forment un tout. Le monde spirituel est dit séparé, car il n’est pas perçu par l’homme en général. L’homme profane n’est pas conscient de l’autre rive. Et pourtant ce monde est en nous. Passer la rivière, faire l’effort d’aller de l’autre côté, signifie dans le domaine initiatique accéder au monde spirituel au péril de sa vie. C’est l’épreuve de l’Eau qui peut dissoudre à jamais notre Etre.



Les exemples sont nombreux dans la mythologie (le passage du Styx, la barque d’Amon, etc.) : il faut traverser un fleuve pour atteindre le royaume des Morts ou celui des Esprits. Goethe propose le même thème dans son conte « Le serpent vert ». En guise de dénouement, le serpent vert, symbolisant à la fois la Matière première et l’Initié lui-même, se transforme en un pont solide reliant définitivement les deux rives et jouant le rôle de pontife. L’Initié vivra alors dans les deux mondes à la fois, le matériel et le spirituel, et les réunira en un seul Etre. La traduction alchimique de ce « pont » est celle de la fixation ou solidification du Mercure, qui est le plus souvent symbolisé par un serpent. Il s’agit de la matérialisation de notre Esprit, jusque-là invisible et insaisissable. Ainsi le cours d’eau (qui peut serpenter) possède des affinités symboliques avec le serpent, car ce dernier est aussi l’agent de la séparation et de la division, tout en procurant la connaissance du Bien et du Mal.



Jephté juge et libérateur de la pierre

Dans le récit biblique la traversée est interdite à ceux qui ne savent pas prononcer juste le mot de passe Schibboleth. Pourquoi ? Le sens des noms utilisés nous donne-t-il des indices ? Jephté signifie : « il ouvrira », « il libérera » ou « Dieu libère ». Galaad signifie « dur, rugueux » ; Ephraïmite vient d’Ephraim, « fécond ». Dans le récit biblique, Jephté délivre les Galaadites de leurs ennemis; dans une vision ésotérique, il est celui qui libère l’homme du joug du matérialisme exclusif en le faisant accéder à l’autre rive, au monde spirituel, à condition qu’il prononce juste un mot, « Schibboleth ».

En fait c’est davantage la connaissance de Schibboleth qui libère ; Jephté n’en est que le contrôleur, le passeur. On retrouve ici le symbolisme du gardien du seuil. Dans son acception alchimique, Galaad (dur, rugueux), fait allusion à la Pierre des Philosophes. Jephté de Galaad est le « libérateur de la Pierre », celui qui fait accéder à la Pierre, qui l’ouvre, l’Initié lui-même. Galaad est aussi le chevalier du cycle arthurien, celui qui a la vision du Graal, vase justement identifié à la Pierre philosophale. Par ailleurs, le rôle de la pierre dans l’oralité se trouve dans la mythologie: c’est l’ingestion par Saturne d’une pierre, qui épargne la vie à Jupiter. L’on dit en alchimie que Saturne est le père de la Pierre et qu’il doit la rejeter (la libérer) après l’avoir avalée. Il symbolise la Matière première brute de laquelle doivent être extraits les Eléments spirituels.

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